Prendre des risques pour réussirPour encourager la prise de risques dans l’entreprise, il y a certaines règles à respecter : un projet à part entière pour l’entreprise, s’assurer du soutien des dirigeants, préparer les équipes au changement, être à l’écoute des personnes innovantes, récompenser le risque, prendre des risques collectivement, miser davantage sur le potentiel des hommes, accompagner les changements par de la formation. Voici donc quelques principes extraits de mon livre.Un projet à part entière pour l’entreprise – Pour réintroduire le goût du risque, maintenir un haut niveau de motivation et créer un climat propice à l’innovation, la stratégie des entreprises doit se déployer en plusieurs temps et se faire sous certaines conditions, en portant une attention toute particulière à l’aspect humain qui est tout à fait primordial pour la réussite finale. Cela induit différents aspects: impliquer les dirigeants, protéger ceux qui prennent des risques en ne les sanctionnant pas brutalement en cas d’échec, assurer la mobilité interne, lutter contre les tueurs d’innovation, innover dans le recrutement, favoriser la mobilité, attirer et fidéliser les talents, préparer les équipes au changement, investir dans la formation,…

S’assurer du soutien des dirigeants – L’adhésion des dirigeants au plus haut niveau est nécessaire, avec des objectifs stratégiques en matière d’innovation. Le dirigeant innovant ou l’entrepreneur a la capacité à penser ce qui n’existe pas encore. Pour innover, créer, il faut laisser la place à l’imprévu, être accessible, disponible pour écouter et échanger, confronter ses idées avec ses collaborateurs, les tester et nourrir le processus pour garder le contact avec la réalité du terrain.

Préparer les équipes au changement – Le changement demande d’aller vers l’inconnu et est porteur d’angoisses, car il induit des pertes de repères. Il faut donc le préparer. Lors de la mise en place du logiciel SAP, Coca Cola France a par exemple, travaillé en amont, pour préparer les équipes. L’attention s’est focalisée non seulement sur la technique, mais aussi sur la communication et sur la formation pour gérer la pression, l’inquiétude, l’émotion, l’incertitude. Le groupe a fait appel aux équipes du « Raid » pour entraîner les personnes à faire face à l’imprévu. Cette préparation a permis à chacun d’avoir le temps de saisir l’opportunité du projet et d’y adhérer. Au lieu de polariser l’attention sur le changement qui est anxiogène, il s’agissait plutôt de montrer concrètement comment cela allait se passer et le bénéfice à en tirer. Ces différentes démarches ont un coût et ralentissent le projet au départ, mais, in fine, le gain – s’il est difficilement chiffrable – est considérable car il permet de remporter l’adhésion au projet des équipes, de ne pas être freiné par les résistances au changement et ainsi d’aller ensuite plus vite et plus efficacement.

Être à l’écoute des personnes innovantes – Les personnes capables de « to think out of the box » (« penser en dehors des clous ») sont recherchées par certaines structures et en dérangent d’autres, car leur manière de penser est un défi contre l’ordre établi. Elles peuvent être carrément rejetées par le système qui cherche à se préserver tel qu’il est. Ceux qui ont envie d’aller de l’avant, de mettre un coup de pied dans la fourmilière, ne sont pas toujours écoutés, voire pénalisés. Une responsable d’un grand groupe français constate ainsi avec dépit : «nos hiérarchies ne veulent pas prendre de risques, craignant de mettre en péril leurs propres carrières, même si, à long terme, ils seraient bénéfiques à l’entreprise. »

Peter Drucker[1] avait d’ailleurs constaté qu’un des gros obstacles à l’innovation dans l’entreprise est la résistance au changement à tous les niveaux. Après avoir travaillé pour des entreprises publiques, il en avait conclu que le management n’était pas réceptif aux innovations parce qu’ils voulaient préserver son pré carré. Clayton M. Christensen, professeur à Harvard Business School, a observé que les managers et les grosses organisations pouvaient rejeter les innovations et les innovateurs par crainte de voir leur univers perturbé. Il parle de « disruptive innovations » ; au lieu d’être vues comme des opportunités, elles sont perçues comme des menaces. En effet, l’innovation peut ne pas être en synergie ou faire concurrence aux produits existants et donc menacer, par là même, la carrière de certains.

Récompenser le risque – Il faut lutter contre les tueurs d’innovation, en évitant certains comportements qui tuent dans l’œuf toute volonté d’innover, à savoir la surveillance (qui étouffe la liberté créatrice), l’évaluation prématurée (une vision critique est contre productive quand elle arrive trop tôt) et les dates butoirs arbitraires (qui crée un effet de panique, focalise l’attention et sape la disponibilité intellectuelle). Pour que les équipes acquièrent progressivement plus d’audace et plus d’autonomie dans leur travail, les responsables doivent assumer le résultat quel qu’il soit. Enfin et surtout, il faut leur assurer un minimum de sécurité, et bannir toute sanction excessive de l’échec. « Punir est le meilleur moyen pour que personne n’ose » remarquait d’ailleurs Jack Welch, ancien président du groupe américain de General Electric.

Pour laisser place à l’innovation, il faut octroyer aux salariés un espace de liberté et d’autonomie suffisant pour leur permettre de prendre des initiatives, les y encourager, laisser la créativité s’exprimer et récompenser les personnes innovantes. Cette démarche demande aux responsables d’avoir le sens des opportunités pour pressentir les sources de croissance.

Prendre des risques collectivement – Les entreprises doivent mettre en route un processus d’intelligence collective qui enrichit le champ de vision de l’équipe et conduit à prendre des risques mieux calculés et en meilleure connaissance de cause. Elles doivent repérer les personnalités qui sont capables d’introduire et de piloter le changement, puis mixer les équipes pour faire, par exemple, travailler ensemble des personnes qui fourmillent d’idées avec d’autres qui sauront les organiser et d’autres encore qui sauront les gérer. Agir à plusieurs donne de l’audace. De plus, cela diminue la probabilité de faire reposer le risque sur les épaules d’un seul individu qui servirait trop facilement de fusible en cas d’échec.

Miser davantage sur le potentiel des hommes – Le risque se retrouve autant dans le recrutement en interne et en externe, la gestion de la mobilité que dans la gestion de sa propre carrière. Il consiste d’abord à recruter sur des critères d’aptitudes et de potentiel, de capacité à apprendre et à s’investir dans des domaines totalement nouveaux; ou encore en sélectionnant des profils atypiques, pouvant apporter un regard neuf, innovant et sans préjugés. Or les recruteurs français ont souvent la réputation de chercher des clones et d’accorder beaucoup d’importance aux diplômes, plutôt que de se polariser sur le potentiel et les compétences. Pour les étrangers, cet attachement aux diplômes, qui nous enferment parfois dans des trajectoires dont il est difficile de s’extraire, est totalement incompréhensif. Cela leur semble absurde que la réussite à un concours supplante le succès d’une carrière, même 20, 30 ou 40 ans plus tard. Les Français sont fiers de leurs écoles, les Britanniques seront plus fiers de leurs succès professionnels que de leurs études.

Accompagner les changements par de la formation – Recruter sur le potentiel suppose que les responsables s’impliquent aussi plus dans la formation du nouveau recruté. Cette attitude est plus courante en Grande-Bretagne que chez nous. Les Britanniques peuvent, par exemple, embaucher un étudiant en histoire qui veut se diriger vers la finance, à condition qu’il soit très motivé et qu’ils perçoivent son potentiel en la matière. Ils lui apprendront les bases du métier. Quand ils détectent une personne a un gros potentiel, il n’est pas rare qu’ils lui proposent de faire un MBA, un master ou encore un coaching.

[1] Théoricien américain du management