Repérer les leaders capables d’affronter la tempête et d’innover
Think out of the box: une nécessité en période de crise et pour innover

Comment repérer les leaders pour une entreprise humaine et innovante? Comment passer de l’ère des gestionnaires à celle des créateurs et des innovateurs, de l’ère de la compétition à celle de la coopération, de la réussite individuelle à la réussite collective pour retrouver du bienêtre, du sens et de la croissance.

Le besoin de leaders sortant du moule, capables de penser autrement, de multipotentiels atypiques était déjà prégnant dans notre monde incertain et complexe, mais l’arrivée de l’épidémie de COVID a mis un coup d’accélérateur. Pour surmonter cette crise, il aut se réinventer sans plus attendre. Nous nous retrouvons dans une situation totalement inédite, avec beaucoup de peurs à gérer, des leaders souvent déroutés, réagissant parfois comme des girouettes car complètement déboussolés, ne sachant pas comment gérer une telle situation. L’image qui me vient est celle du capitaine de bateau à moteur se retrouvant subitement parachuté aux commandes d’un voilier avec un vent fort et instable. Totalement perdu, il ne peut que donner des coups de barre brutaux, augmentant la frayeur de ses passagers qui perdent alors et à raison toute confiance en son savoir-faire.

LES CRISES AGISSENT COMME DES REVELATEURS

Les crises, comme les tempêtes, mettent en lumière les personnes incompétentes, révèlent au grand jour les profiteurs et les incompétents. Mais elles ont aussi ceci de très positif qu’elles font émerger des personnes qui, jusqu’ici, ne faisaient pas forcément parler d’elles, malgré leur hyper efficacité, leur créativité et leur capacité à faire face à l’inconnu avec une capacité remarquable à s’adapter et une vision sur le cap à tenir. Celles-là sont efficaces et innovantes mais ne savent pas, et bien souvent ne veulent pas, dépenser d’énergie à se faire remarquer. Leur action est tournée vers la conception et le lancement de projets innovants pour le bien commun. Elles le payent souvent très cher car elles trouvent (trop) souvent sur leur chemin des personnes qui vont s’attribuer leurs mérites, pomper leurs idées et prendre le pouvoir. Ces dernières réussissent en général leur entreprise car elles savent se faire valoir et entretenir un réseau de courtisans.

« ARTISTES, ARTISANS ET TECHNOCRATES DANS NOS ORGANISATIONS – RÊVES, RÉALITÉS ET ILLUSIONS DU LEADERSHIP » de Patricia Pitcher

Or aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin de leaders visionnaires, courageux et capables de gouverner dans la tempête, l’incertitude et l’inconnu. J’ai déjà souvent dit/écrit qu’on trouve ces qualités qui sont les caractéristiques des multipotentiels atypiques (voir page https://www.myriam-ogier.com/multipotentiels-atypiques/).

Outre les descriptions que j’ai pu en faire, je recommande un livre qui peut aider à mettre au clair les différents types de profils de leaders; celui de Patricia Pitcher, économiste en chef de la bourse de Toronto, aujourd’hui décédée, « Artistes, artisans et technocrates dans nos organisations – Rêves, réalités et illusions du leadership » (1997). Une lecture incontournable pour tous les dirigeants, les managers, les responsables des RH car il est un formidable outil pour choisir leurs leaders en connaissance de cause. Son ouvrage est le fruit d’une observation fine de leur comportement dans les entreprises. Son étude, très fouillée, a duré 8 ans et l’a conduite à dégager trois types de leaders :

L’ARTISTE (équivalent du multipotentiel atypique)

Celui qu’elle appelle l’artiste est visionnaire et stratège. Il jette des ponts sur des rivages inconnus. Il correspond à notre description du multipotentiel atypique : Il est «inventif, intuitif, drôle, inspirateur, excitant, émotivement instable, d’humeur changeante, parfois solitaire ». Elle constate que pour la plupart, ils sont mal considérés ou écartés car considérés, à tort, comme peu professionnels, rêveurs ou stupides.

LE TECHNOCRATE

Son opposé et son « ennemi » est le technocrate, brillant champion des ratios et des systèmes, qui prônent des solutions techniques au détriment de l’humain. Celui-là peut avoir fait de brillantes études (contrairement à l’artiste qui n’est souvent pas à l’aise à l’école, sa manière de réfléchir étant trop divergente). Le technocrate est « rationnel, cérébral, austère, intransigeant, résolu, têtu, méticuleux, souvent brillant ». Il croit dominer l’émotion par la raison. C’est celui qui risque de détricoter tout le travail de l’artiste, qui peut lui mettre des bâtons dans les roues et qui ne raisonne qu’en fonction du passé avec beaucoup de difficulté à se projeter dans l’inconnu. Contrairement à l’artiste, il est dans la recherche du #pouvoir pour le pouvoir, souvent de manière autoritaire.

L’ARTISAN

Entre les deux, se situe celui qu’elle appelle l’artisan : gardien des connaissances et du savoir-faire, il bâtit et consolide ces ponts. Il constitue le cœur des organisations. Celui-là est très complémentaire de l’artiste ; car contrairement à ce dernier qui a tendance à être tout feu, tout flamme, à être désorganisé, lui valant l’étiquette d’ingérable, l’artisan est sage. Il construit les ponts imaginés par l’artiste. Il est « conservateur, responsable, loyal et direct, aimable et tolérant ».

On comprend clairement que, pour Patricia Pitcher, les grands leaders sont des artistes, donc des créatifs, bien entourés par des artisans ou d’autres artistes. Elle remarque (et je l’ai constaté à maintes reprises) que les vrais leaders ont de puissants ennemis et que les bons ne l’emportent pas toujours. Elle donne notamment l’exemple d’une entreprise dirigée par un patron très créatif et innovant, un « artiste » qui a eu le tort de passer la main à un « technocrate ». Elle raconte comment ce dernier a précipité l’entreprise dans le mur et l’a fait péricliter en changeant l’esprit de l’entreprise et en empêchant toute créativité.

L’IMPORTANCE DE LA CULTURE GÉNÉRALE ET DE LA CURIOSITÉ

Je partage aussi le point de vue de Patricia Pitcher concernant l’importance pour un leader d’avoir de la culture générale et de l’ouverture d’esprit pour s’intéresser à d’autres champs de connaissances tel que l’anthropologie, l’histoire, l’art, la philosophie, … Ils servent à mieux appréhender notre environnement, à s’y sentir bien et en accord avec lui. Ils permettent aussi faire de faire des connexions inédites entre plusieurs champs d’étude, d’élargir sa vision et parfois d’ouvrir la voie sur de nouveaux débouchés et des innovations.

Myriam OGIER