Comment expliquer la difficulté à sortir de sa zone de confort même lorsqu’on ne se sent pas bien ?

Vivre dans un environnement connu, même s’il fait souffrir, a un côté rassurant car il offre des repères. Vouloir changer ce qui fait souffrir, demande de sortir d’un environnement connu et quelque part de rassurant. c’est aussi s’engager dans un long combat. Le psychanalyste André Green comparait ce « travail du négatif » à un combat contre une hydre à 1000 têtes ; quand l’une disparaît, il en reste 999 autres à atteindre. Cela peut se faire dans un temps long.

Sortir de sa zone de confort s’apparente à prendre de risques. Certains profils aiment cela, relever des challenges, se lancer des défis. C’est le ca souvent des neuroatypiques, des multipotentiels (créatifs, intuitifs, rapides, innovants,…) quand ils ont une assurance interne. Dans ce cas, ils n’hésitent pas à se mettre en danger. Ils aiment l’adrénaline que cela provoque.

Mais la majorité des gens fonctionnent autrement et ont besoin d’évoluer étape par étape (pensée séquentielle contrairement aux premiers qui ont une pensée en arborescence), d’avoir une vision claire de là où ils vont et ne quitteront pas ni spontanément, ni facilement leur zone de confort.

Quels sont les risques quand on sort de sa zone de confort ? 

Pour certaines personnes, le changement est difficile car cela entraîne une perte de repères totale. Pour elles, la peur de l’inconnu va être intense, car elles ont besoin d’horizons et perspectives définis où elles puissent se voir et se projeter. Or l’inconnu brouille leurs repères. Du coup, tout changement majeur provoque un malaise, voire une angoisse car elles ne savent plus où elles sont.

Quand elles n’ont aucune confiance en elles, leurs pensées peuvent devenir presque délirantes, voire paranoïaques. Elles décrochent de la réalité ; leur imagination prend le dessus et leurs pires cauchemars d’enfant sont ressuscités par la situation. Elles se racontent des histoires où elles peuvent tout perdre. La panique leur fait perdre pied. Elles peuvent se mettre en danger réel. Aller jusqu’à la zone de panique n’est donc pas toujours bénéfique. Elle l’est si on survit. Cela me fait penser à la phrase de Nietzsche : « ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort ».

Se mettre dans une situation à risque peut être bénéfique pour ceux qui ne bougeraient que sous la contrainte, sans cela, ils resteraient dans leur confort et leur routine, sans s’épanouir et sans donner le meilleur d’eux-mêmes. Mais le changement doit être graduel. On ne court pas un Marathon sans s’être entraîné. C’est la même chose si on veut changer d’environnement. Il faut avoir des repères internes solides ou les consolider avant de se mettre en mouvement. Et avoir un plan B avant de bouger pour bien rebondir en cas d’échec.

Comment se mettre en mouvement ?

Quelqu’un qui n’est pas solide intérieurement doit tout d’abord identifier ses forces, cerner ses limites, donc  mieux se connaître pour envisager le changement et se mettre en mouvement en prenant des risques à la mesure de ses capacités. Il évite ainsi de se retrouver en mode panique qui lui ferait perdre tous ses moyens et qui le mettrait en danger. Il ne s’épanouira et ne retrouvera sa zone de confort que lorsqu’il aura acquis suffisamment de sécurité intérieure pour vivre selon ses envies et ses besoins profonds.

Cela nécessite un travail sur son identité et sa confiance en soi, ses envies et se motivations. Quand on a l’habitude depuis tout petit du changement parce qu’enfant on a beaucoup voyagé, parce que le changement a été vécu positivement dans la famille, parce que les relations affectives au sein du noyau familial étaient solides et rassurantes… , le fait de changer, de se mettre en danger est alors plus facile car l’enfant devenu adulte a acquis une force intérieure et une conscience de ses capacités qui lui donne de la puissance. Il pense que, tel le chat, il retombera toujours sur ses pattes. La montée d’adrénaline sera plutôt un stimulant et il gardera la tête froide même si pendant un temps, il perdra ses marques.

Faut-il faire taire ses peurs ?

La peur peut être un aiguillon ou paralyser. Il s’agit, non pas de faire taire ses peurs, mais de les canaliser, pour regarder les choses de la manière la plus objective qui soit. La peur peut faire prendre conscience d’un danger et dans ce cas être une protection pour ne pas faire n’importe quoi comme dans le conte des frères Grimm : « Celui qui s’en alla pour connaître la peur ». Il s’agit donc plutôt d’interroger ses peurs et de voir si elles reposent sur une réalité ou non. Si elles déclenchent un mouvement de panique, il peut être intéressant de comprendre ce qu’elles cachent (une envie, un désir ou un danger), de comprendre quelle situation vécue dans l’enfance en est à l’origine : un événement auquel on n’a pas su / pu faire face qui remonte à la surface et qui s’exprime à travers la peur, voire la panique.  Une peur peut cacher un désir qu’on s’interdit.  Faire ce travail d’analyse est long et il faut beaucoup de courage pour vaincre ses peurs, ses freins et faire évoluer ses croyances pour avoir une vision plus réaliste des situations.

On peut aussi analyser ce qu’on a à gagner et à perdre. Par exemple, une personne qui se sait être sur la liste des personnes concernées par un plan de départ « volontaire » . Si elle préfère ne pas s’inscrire sur cette liste de « volontaires », elle peut se mettre en danger et se faire licencier plus tard sous un prétexte plus ou moins fallacieux parce que la direction a décidé de se débarrasser d’elle pour des raisons qui peuvent être justifiées ou non. De vouloir la sécurité à tout prix peut faire courir un danger bien plus grand, celui d’être licencié sans les mêmes avantages. Il faudra que cette personne se fasse aider pour prendre la décision de partir et pour être ainsi en position de faire un choix (même s’il est un peu forcé), ce qui pourra être difficile à court terme, mais à terme plus constructif ; ce choix peut en outre s’avérer une opportunité de bâtir un nouveau projet professionnel beaucoup plus motivant.

Des zones de confort très différentes d’un individu à l’autre

La zone de confort diffère d’un individu à l’autre. Certains sont plus à l’aise dans le mouvement, le défi, les challenges, la prise de risque ; d’autres le seront dans un environnement stable et donc connu. Ceux-là seront plus vulnérables s’ils sont contraints au changement car ils n’y seront pas préparés. Pour eux, s’ils savent qu’ils vont rentrer dans une zone de chaos, il peut être utile d’apprendre à s’adapter dans des environnements différents. Mais l’apprentissage pourra être rude.

Dans tous les cas, se connaître et connaître les autres, avoir une sécurité intérieure et une bonne confiance en soi sont les meilleurs moyens pour agrandir sa zone de confort et être à l’aise dans des environnements très mouvants. Aujourd’hui, où l’environnement change parfois très vite, voire brutalement, se mettre en mouvement ou être capable de s’adapter est un atout considérable.

C’est un atout qu’ont les personnes à dominante « cerveaux droits » dont je parle dans mon livre (Un cerveau droit au pays des cerveaux gauches – Atypiques, intuitifs, créatifs : trouver sa place quand on ne rentre pas dans le moule (Eyrolles, 2018), à condition qu’elles soient conscientes de leurs talents et capacités et suffisamment d’assurance en soi, d’assertivité pour s’affirmer et assumer leurs choix.

Myriam OGIER